Nina Lombardi

« È una ragazza !»

Des voix aigues et stupéfaites s’exclamaient en italien devant la Casa Santa. C’était une fille, âgée d’uniquement 3 mois, qui se trouvait là, dans un couffin abandonné sur les marches de l’orphelinat. Personne ne savait réellement comment elle était arrivée là, mais quelques curieux disaient avoir vu une jeune femme d’à peine plus de 16 ans rôder récemment dans les alentours de l’orphelinat.

L’enfant fut baptisé Nina. Avec le temps et, malgré le manque d’amour et d’affection, elle devint une petite demoiselle gracieuse, douce et délicate. Si bien que, à l’âge de seulement 4 ans, un couple ne parvenant pas à avoir d’enfants décida de l’adopter et d’en faire leur fille unique. La jeune enfant qui, jusque-là, n’avait eu comme chaleur humaine que les brefs échanges avec les sœurs travaillant dans l’orphelinat, suivit cet homme et cette femme qui lui promettaient un avenir radieux.


La vie de Nina en compagnie de Monsieur et Madame Lombardi fut douce et agréable. Ses nouveaux parents étaient issus d’une couche plutôt aisée de la société et, ainsi, la petite fille ne manqua de rien. Ces nouveaux parents furent enchantés d’accueillir ce petit être dans leur famille, de lui montrer leur façon de voir le monde et de lui faire découvrir les plus belles merveilles du monde.
Rien ne posait problème, tout était merveilleux et la demoiselle espérait grandement que cette allégresse ne cesse jamais. Pour la première fois depuis le début de sa misérable vie, elle avait, autour d’elle, deux personnes qui lui étaient complètement dévouées et qui se seraient damnés pour la rendre heureuse.

En réalité, tout aurait pu continuer ainsi pour toujours. Cependant, la vie semblait s’acharner sur le sort de mademoiselle Lombardi. À l’âge de 17 ans uniquement, un événement vint complètement chambouler sa vie.
Nina vivait dans une très grande maison. Elle ne manquait de rien ! Ni d’argent, ni d’amis. Tout était parfait. Cependant, ses parents ne souhaitant pas qu’elle devienne une enfant gâtée prirent soin de lui apprendre que dans la vie, quand on veut quelque chose, il faut travailler. Ainsi, dès ses 14 ans et grâce aux contacts de ses parents, la demoiselle pu commencer à travailler dans une boulangerie. Être serveuse n’était pas l’activité la plus glamour, mais Nina était plutôt contente de travailler. Après tout, ainsi, elle ne passait pas pour une petite bourgeoise insipide et détestable. De plus, passer du temps dans cette boulangerie lui avait permis de se faire de nouveaux amis, dont une en particulier : Lisa Giorgio.  

Lisa, c’était une fille sympa. Elle était plus âgée que Nina de seulement 3 ans. Elle était plutôt indépendante et rebelle. C’était, d’ailleurs, certainement pour ces raisons-là qu’elle n’habitait plus chez ses parents et qu’elle vivait dans un petit appartement qu’elle louait. Bref, cette fille était considérée comme une véritable grande sœur par Nina. C’était elle qui lui avait appris les rudiments du métier de serveuse et c’était aussi avec elle que Nina se mit à passer le plus clair de son temps libre. Les deux demoiselles sont rapidement devenues les meilleures amies du monde. Cependant, il y avait toujours eu quelque chose chez Lisa qui dérangeait Nina. Elle avait une drôle de façon de la regarder Lisa. Un regard que Nina ne savait pas réellement comment interpréter. Ce n’était pas quelque chose de pervers ou de malsain, mais elle semblait attendre quelque chose.


Ce ne fut qu’à l’âge de 17 ans que Nina comprit ce qu’attendait Lisa. Un jour pluvieux, lorsque l’orage grondait dehors et que la boulangerie quasiment déserte, la main de Nina heurta celle d’une cliente plutôt âgée. Lorsque la peau froide de la vieille dame entra en contact avec celle de Nina, une vague de chaleur grimpa l’échine de la demoiselle de 17 ans. Nina avait l’impression qu’elle n’aurait plus jamais besoin de dormir, que ses forces étaient, à présent, décuplées. Jamais la jeune fille ne s’était sentie aussi pleine d’énergie. Cependant, quelque chose n’allait pas. En face d’elle, la vieille dame la fixait avec horreur. Elle vacilla quelque peu avant de tomber en arrière, inconsciente. Surprise, Nina avait reculé.
Lorsque l’ambulance arriva, le constat était simple. La vieille dame avait fait une crise cardiaque. Tout le monde était d’accord pour dire que c’était tout simplement dû à l’âge de la vieille dame. Enfin, presque tout le monde…


Quelques semaines s'écoulèrent tandis que Nina essayait d'oublier ces événements plus que dérangeant. Elle essayait de ne plus entrer en contact physique avec qui que ce soit, ayant bien trop peur qu'une telle chose se reproduise. De plus, elle se cachait derrière un très beau sourire de façade. Après tout, il ne fallait surtout pas que ses parents pensent qu'elle devenait comme ces créatures de diables, les Enigmas ! Cependant, il était difficile de faire semblant. Surtout avec les sourires mystérieux que Lisa lui lançait à tout-va.

La fin de journée était particulièrement pénible ce soir-là. Nina avait essayé d'ignorer Lisa toute la journée sans réellement savoir pourquoi, mais la fatigue n'aidant pas, elle se sentait, à présent, très agacée par le comportement de son amie. Bien décidée, elle s'approcha de Lisa qui faisait un inventaire des stocks. Lorsque celle-ci aperçut son amie, elle posa son calepin et attrapa la main de Nina avant même qu'elle ne puisse dire quoi que ce soit. Peu à peu, l'esprit de Nina s'embrouilla. Elle voyait des images qu'elle ne connaissait pas. Elle reconnut, dans ces images brumeuses, une enfant ressemblant étonnamment à Lisa, s'amusant avec des enfants tout comme elle s'amusait, en ce moment même avec l'esprit de Nina. Il ne lui fallut d'ailleurs pas longtemps avant de comprendre le sens de tout cela. Lisa était une Enigma capable de lire dans l'esprit des gens, mais aussi de faire part de ses propres souvenirs. Plus tard, Lisa expliqua à Nina que dès leur première poignée de main, elle avait eu l'occasion d'accéder à des souvenirs sont Nina elle-même ne se souvenait pas, car elle était trop jeune au moment où ces souvenirs avaient été créés. C'est ainsi qu'elle avait pu apercevoir la mère de la demoiselle et comprendre, par la même occasion, quelle était la véritable nature de Nina.
Ce soir-là, cependant, Lisa n'eut pas le temps d'expliquer quoi que ce soit, car Nina s'était enfuie, courant comme une âme effrayée dans les rues de la ville. Elle était ce que sa famille avait toujours considéré comme un sale monstre. Elle était cette vermine qu'on lui avait toujours appris à craindre.

Les jours suivant cette terrible révélation furent bien plus terribles encore. Nina ne pouvait se résoudre à cacher une telle information à ceux qu'elle aimait plus que tout au monde. Ainsi, prenant son courage à deux mains, elle décida de tout leur révéler. Elle s'était, bien entendu, attendu à de l'effroi, et même du dégoût, mais, après tout, ils étaient ses parents, ceux qui l'avaient toujours aimée, n'est-ce pas ? Sa déception fut bien cruelle lorsqu'ils se contentèrent de la regarder de haut en lui promettant de ne jamais révéler son identité, de ne lui faire aucun mal et de continuer à l'entretenir financièrement à condition que Nina quitte leur vie sur le champ. C'était leur façon à eux de lui montrer leur amour même s'ils étaient définitivement incapables d'abriter une telle erreur de la nature entre leurs murs.
Il n'y eut guère que Lisa pour ramasser les miettes du cœur de Nina. La jeune femme accueillit Nina, la nourrit et la logea pendant ces longs mois où l'envie de vivre avait totalement quitté la jeune fille. Elle ne voulait plus sortir, ne voulait plus affronter le monde, plus jamais. Elle ne savait plus quoi penser, ni comment penser. Ainsi, ceux qu'elle avait dû craindre et refuser de fréquenter pendant si longtemps étaient maintenant ses semblables ? Comment était-elle censée ne pas être dégoutée d'elle-même après tout cela ? Comment pouvait-elle encore se regarder dans un miroir ?

Lisa n'avait pas tout de suite su comment aider Nina. Cependant, elle eut l'idée brillante de lui faire visiter cette fameuse école qu'elle avait elle-même fréquentée pendant un an avant de prendre une année sabbatique pour travailler. C'était une école particulière qui regroupait Humains et Enigmas et, surtout, qui se trouvait suffisamment loin de l'Italie pour pouvoir recommencer une nouvelle vie. Ainsi, Nina continua à aller à l'école jusqu'à, enfin, atteindre l'âge de 18 ans.

La première étape pour les deux jeunes filles fut de quitter leur pays natal pour sur l'île Khrysalis dans les Caraïbes. Elles quittèrent donc l'Italie durant les vacances d'été pour intégrer l'Académie Khrysalis. Ce changement fit le plus grand bien à Nina qui, au fil du temps, commença à développer un profond respect pour les Enigma.


Sa première année au sein de l'Académie commence. Cependant, si Nina éprouve autant de respect pour les Humains que pour les Enigmas, pourquoi la jeune fille ne parvient-elle toujours pas à s'accorder une vraie valeur ?